jeudi 27 février 2014

Les toutous de garde ou le pseudo-journalisme-citoyen et commercial

Si j'en crois l'article Wikipedia consacré au 'Journalisme Citoyen', sa consultation et surtout l'historique de cet article, il y a longtemps que la messe est dite.
La référence bibliographique la plus récente date de 2006 et la dernière modification significative de l'article remonte à septembre 2010. Il faut croire que ce concept commercial fumeux n'intéresse plus grand monde.

Légende photo : Journaliste citoyen de garde devant un média citoyen.

Selon le rapport de We Media en 2003 (How Audiences are Shaping the Future of News and Information de Shayne Bowman et Chris Willis), le journalisme citoyen pourrait être défini comme l'action de citoyens « jouant un rôle actif dans les processus de récupération, reportage, analyse et dissémination de l'actualité et de l'information »

Ca, c'est la théorie...Et pour passer de la théorie à la pratique, ce n'est pas gagné d'avance... surtout quand on fait appel à la frange la plus inculte du LumpenProletariat intellectuel !
Depuis ce rapport, beaucoup de données sont passées entre les grandes oreilles de la NSA. Facebook, Twitter, Tumblr, Youtube et quelques autres ont bouleversé la cartographie de la toile.

En 2014, le journaliste citoyen est avant tout un raté aux moyens intellectuels (très) limités, sinon il aurait compris depuis longtemps que pour être crédible, il faut publier ailleurs que sur des médias douteux. Bon... il y a peu de risques qu'il soit publié ailleurs... mais on peut rêver :
- son processus de récupération de l'information consiste en un simple copier/(traduire)/coller,
- sa conception du reportage, c'est d'enfiler ses pantoufles,
- ses capacités d'analyse se limitent à recopier la référence trouvée en tête de page dans un moteur de recherche ou à disserter sur le dernier buzz mis en avant par Google News.
- son idée de la dissémination c'est de publier des tracts ou des sagas incohérentes en 95 épisodes et plus si affinités.

Assez rapidement, l'acte de décès du journalisme citoyen a été publié. Dès 2005, Vincent Maher, dirigeant du New Media Lab de l'Université Rhodes a souligné plusieurs faiblesses parmi les revendications des journalistes citoyens, qu'il résume comme « the three deadly Es : ethics, economics and epistemology » (les trois E fatals : éthique, économie et épistémologie)
Voir son article Citizen journalism is dead

En 10 ans, la situation n'a pas évolué (on a rarement vu un mort ressusciter !) et les trois tares originelles subsistent chez ceux qui continuent à promouvoir le concept en décomposition avancée de Journalisme Citoyen Commercial.

1) L'éthique. Cela reste toujours un vain mot. Combien de pseudo-journalistes-citoyens ne sont que des plagiaires multirécidivistes, des délateurs compulsifs, des militants obtus, des canailles sectaires ou des individus incapables d'évaluer la valeur d'une source ? Certains cumulent toutes ces tares en même temps !
Maher n'hésite pas à écrire que "le journalisme citoyen est potentiellement dépourvu de toute forme de responsabilité éthique autre que l'environnement législatif dans lequel l'individu opère"
On pourrait ajouter... dans le meilleur des cas... lorsqu'il a une vague conscience que ce cadre existe... puisque certains historiens citoyens, avec la complicité active des supports qui les hébergent, osent le pire...
Cette absence d'éthique est inscrite dans les gènes du journalisme-citoyen commercial et suffirait, à elle seule, à disqualifier ce concept foireux.
Rappelons que le concept de journalisme-citoyen s'est construit en opposition avec une absence d'éthique prêtée aux médias traditionnels.... La bonne blague...

2) Le modèle économique. Maher fait remarquer que les médias traditionnels ont une hiérarchie fonctionnelle. Selon lui, le journaliste traditonnel n'est pas directement sous l'influence d'une publicité non contextuelle. C'est discutable et Pierre Bourdieu n'était pas de cet avis (voir par exemple sa contribution Journalisme et éthique en 1996).
Maher note que les médias traditionnels ont des comptes à rendre aux acheteurs ET aux annonceurs.
Par contre, dès 2005, il faisait remarquer que le journalisme citoyen était sous la dépendance directe et exclusive de la publicité contextuelle. La prétendue indépendance du journalisme citoyen commercial ne serait donc qu'un discours destiné à appâter quelques gogos alternatifs à la recherche de lecteurs.
Rappelons que le concept de journalisme citoyen s'est construit en opposition avec l'image d'une presse soumise aux lois du capital... La bonne blague...

3) L'épistémologie. C'est la partie la plus intéressante de sa réflexion. Maher oppose une autorité de jure (de droit) à une autorité de facto (de fait). Pour lui, les médias traditionnels obéissent aux règles logiques de la démonstration (de jure), alors que le journalisme citoyen n'est, au mieux, qu'une vague subjectivité basée sur des fonctionnements en réseaux (de facto).
Qui, exceptés quelques crédules, oserait prétendre que le journalisme citoyen a acquis une quelconque crédibilité ailleurs que dans le cercle des adeptes de sa secte ?
Quelle logique, autre que celle auto-proclamée, ont bon nombre de journalistes-citoyens ?
Quelle citoyenneté promeuvent ces idiots utiles ?

Pour Maher les médias traditionnels sont des outils qui font appel à la réflexion du lecteur et ils permettent l'émergence d'une vérité, alors que le journalisme citoyen n'est qu'un outil utilisé par des activistes et des négateurs de toutes tendances.

Là encore, il ne s'est pas trompé. Il suffit de parcourir les articles publiés sur l'une des quelconques plate-formes qui se réclament du journalisme citoyen commercial pour lister immédiatement une flopée de militants aux causes douteuses, des complotistes de tous bords, des paranoïaques qui s'imaginent que les Forces du Mal ont infiltré leur joujou, des mythomanes et quelques illuminés parfois attendrissants... Chacun des auteurs a une vérité cachée à révéler, un message politique inédit à imposer, des infiltrés à dénoncer, une doctrine ésotérique à faire partager.
Rappelons que le concept de journalisme citoyen a été construit pour rendre au journalisme sa vraie fonction.... La bonne blague...

Ajoutons :
- qu'une partie non négligeable des contributeurs sont des membres (actifs ou retraités) du LumpenProlétariat intellectuel. La maîtrise de l'écrit et le temps libre sont des facteurs socialement discriminants. Il n'est pas nécessaire d'avoir un doctorat en sociologie pour le deviner.
- qu'ils ont consacré leur vie professionnelle à crétiniser les masses et qu'ils se sentent le devoir de continuer par d'autres moyens.
- qu'ils ont toujours considéré qu'ils étaient la voix authentique des exclus alors que le concept de journalisme citoyen les rend théoriquement inutiles. J'ignore comment le LumpenProletariat intellectuel gère cette contradiction ontologique, mais c'est son problème !

Enfin, Maher fait remarquer que le message des médias traditionnels est éphémère, alors que celui des nouveaux médias est permanent (le buzz et la longue traîne en même temps !)
Pour ne prendre que le domaine de la politique, ce sont toujours les groupes les plus marginaux qui font le plus grand tapage. Ce qui génère d'épiques controverses, dignes d'un bac à sable dans une cour école maternelle, quand un antifa de carnaval s'écharpe avec un identitaire sans racines !

Dans d'autres domaines, cette permanence liée à ce que Maher appelle l'effet spaghetti multiplie à l'infini des messages trompeurs ou marginaux (transmission virale), jusqu'à leur donner une apparence de vérité ou d'importance.

Un lecteur intelligent ne considérera pas qu'une imbécillité recopiée mille fois est une vérité.
Le LumpenProletariat intellectuel, si !
Il recopiera l'imbécillité une fois de plus et poussera le culot jusqu'à s'en attribuer la paternité !


Légende photo : La promenade du journaliste citoyen tenu en laisse.

Dans les archives de ce blog, une autre facette du journalisme citoyen.... Y'a pas que Morice pour écrire des sagas... moi aussi, j'y arrive ! :
Morice d'Agoravox ou Le marketing du pauvre... type

A venir, un de ces jours, la suite de cette saga.
Peut-être un billet qui traitera des modes d'évaluation, de publication et de mise en avant ?

A bientôt Morice, pour la suite de tes aventures au pays de la falsification citoyenne !
Au fait, ton nouveau look te va à merveille... ça doit faire son effet dans l'espace citoyen de la Momodération !

MISE A JOUR DU 25/04/2017 : J'ai supprimé quelques passages purement anecdotiques.








3 commentaires:

  1. Bonjour Lavigue,

    Vous êtes manifestement cultivé et savez utiliser votre cervelle, il n'y a pas de doute là-dessus.

    Néanmoins vous êtes une énigme, que foutez-vous donc sur agoravox ?

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  2. Après avoir lu les délires de agoravox sur le 13 novembre, j'ai tapé sur google "pseudo journalisme" et je suis tombé sur votre article toutous de garde : - )

    Il y a aussi ça :

    http://magicphoton.blogspot.fr/2015/11/du-journalisme-citoyen-au-journalisme.html
    :-)

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D'avance, merci de votre participation !