LA FILLE DE NOSTRADAMUS - Conte provencal.
Nostradamus, le prophète, qui annonça plusieurs siècles à l'avance des événements qui depuis arrivèrent, consulta les astres lorsqu'il sut que sa femme était enceinte.
Le jour de l'accouchement, il se remit en observation et recommanda qu'on le prévint aussitôt que l'on saurait le sexe de l'enfant.
Il regardait donc le ciel avec une grande lunette, lorsque quelqu'un accourut et lui dit :
- Moussu Nostredame, c'est une fille !
- Tant pis ! s'écria l'astrologue; ce sera une satanée coureuse.
Cependant, Nostradamus se préoccupa d'atténuer les conséquences de cet horoscope. Il réussit, mais en partie seulement.
Le jour où sa fille fut en âge de se marier et qu'on demanda sa main, il prit à part l'amoureux et lui dit :
- Je dois vous prévenir que ma fille, pendant l'année qui suivra son mariage, doit mener une conduite irrégulière. Elle trompera cinq fois celui qui l'épousera. Réfléchissez et voyez s'il vous plait de persister.
L'amoureux réfléchit, consulta quelques amis, revint auprès de Nostradamus, et lui dit :
- Vous qui savez tant de choses, dites-moi ce que je puis faire pour empêcher le pronostic de se réaliser.
Nostradamus lui répondit :
- Surveillez votre femme; lorsqu'elle songera à vous tromper , vous vous déguiserez pour qu'elle s'adresse à vous.
Le mariage fut célébré, et pendant quelques temps le ménage fut très uni. Mais un jour le mari se rendit compte que le moment critique était arrivé.
Voilà donc qu'un soir sa femme s'échappe de la maison. Le mari se déguise aussitôt en matelot et se trouve comme par hasard sur le chemin de la coureuse. La rencontre se fait sans bruit, et la femme dit les choses les plus aimables au matelot de rencontre. ils se quittent si bons amis, que la femme donne une jolie bague à son galant.
Quelques jours plus tard, les mêmes velléités d'inconduite recommencent chez la jeune femme. Cette fois le mari se déguise en soldat et la trompe encore. Elle fait cadeau d'un autre bijou.
Une troisième fois, le mari se déguise en paysan, et les choses se passent de la même façon.
Une quatrième et une cinquième fois, même aventure se produisit. Je laisse de côté le déguisement que choisit le mari, et qui varie selon l'humeur du conteur. il faut noter qu'à chaque fugue, le jeune femme offrait un souvenir de prix à son compagnon.
Lorsque les prévisions de l'horoscope furent accomplies, le fille de Nostradamus reprit ses habitudes de bonne épouse et d'honnête mère de famille, portant au fond du coeur le regret de sa faute.
Le mari laissa s'écouler quelques temps ainsi; puis un jour il mit sur la table de sa femme les divers cadeaux qu'elle lui avait faits.
La pauvre femme en fut mortifiée; mais le mari se hâta de dévoiler la supercherie, afin que sa conscience fut un repos.
Désormais le ménage fut très heureux.
Nostradamus connaissait bien le coeur humain. On sait qu'un jour où il était à se chauffer au soleil devant sa porte, une jeune fille qui passait lui ayant dit : "Bonjour, Monsieur Nostradamus !" il lui avait répondu : "Bonjour, Filletto !" Un quart d'heure après, la même jeune fille passant encore devant lui et lui redisant : "Bonjour, Monsieur Nostradamus !" il lui avait répondu : "Bonjour, Frémétto !" Le vieux Nostradamus put affirmer à son gendre que l'horoscope de sa fille avait été atténué et qu'elle serait la plus sage des épouses pendant le restant de ses jours.
(Conte de la vallée du Rhône publié dans la revue La Tradition - 1889) - Bérenger Féraud
Michel de Nostredame eut 3 filles (Diane, Madeleine et Anne). Le conte ne dit pas laquelle fut l'épouse volage.
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