mardi 20 février 2018

D'innombrables nuances de gris au Cabinet des Estampes de Berlin

Max Beckmann - Portrait de Erhard Göpel (1944) National Galerie, Berlin

Le Kupferstichkabinett de Berlin (en français, c'est un Cabinet des Estampes) fera le plein pour la conférence de presse du 13 mars 2018, en présence de toutes les huiles de l'institution... et probablement de quelques avocats et conseils en com. qui auront préparé les allocutions et les réponses aux questions qui ne manqueront pas d'être posées.




Il s'agira de présenter une de ces donations qui, d'habitude, font le bonheur des musées. Dans le cas présent, un ensemble exceptionnel d'oeuvres de Max Beckmann. 2 tableaux - un autoportrait dans un bar (1942) et un portrait de Erhard Göpel (1944) -, 46 dessins et 52 gravures, ainsi qu'un tableau de Hans Purrmann.

Mais, ce ne sont pas que les journalistes de la rubrique Beaux-Arts qui rendront compte de cet événement, une fois la traditionnelle collation expédiée. Toutes ces oeuvres proviennent de la collection personnelle de Erhard Göpel (1906-1966), un historien de l'art réputé, en son temps LE spécialiste de Max Beckmann, l'éditeur du catalogue raisonné de ses oeuvres, etc. La seule condition mise dans son testament par sa veuve, Barbara Malwine Auguste Göpel (1922 - 2017), était que les oeuvres soient exposées à Berlin.

Bien que considéré comme un critique d'art libéral, Erhard Göpel fut aussi très engagé dans la politique de spoliation du IIIe Reich. D'abord comme représentant de l'organisation informelle Sonderauftrags Linz (un projet de musée gigantesque près de la ville natale de Hitler), puis quand Bruno Lohse lui installa un bureau à Paris quand il s'agit de négocier, avec le Régime de Vichy, le partage de la collection de Maîtres Hollandais volée aux héritiers d'Adolphe Schloss.

Cependant, comme le dit Michael Eissenhauer, le directeur-général des Musée d'État de Berlin, le portrait d'Erhard Göbel peint par Max Beckmann en 1944 est la preuve que "sous le National-Socialisme, tout n'était pas noir ou blanc, mais qu'il y avait aussi d'innombrables nuances de gris (1) ".

Pendant la guerre, Göbel intervint à plusieurs reprise auprès de marchands d'art pour assurer des revenus à son ami Max Beckmann, alors exilé à Amsterdam.

Le musée de Berlin assure qu'il a pris toutes les précautions pour s'assurer que les oeuvres ont été acquises dans des conditions en accord avec les Principes de Washington.


Note :
(1) :  dass es im Nationalsozialismus nicht nur Schwarz und Weiß, sondern zahllose Grau- stufen gab, selon le communiqué officiel en allemand.

Bonus :
Max Beckmann - Voyage à Berlin

5 commentaires:

  1. Si j'ai bien compris, une centaine de toiles de la collection Schloss court toujours "dans la nature"....
    Et....
    Ne reculons pas devant l'épreuve ...
    Je trouve que .....ouh la la c'est risqué
    Je trouve que Beckmann est meilleur peintre que photographe...
    Ça y est je l'ai dit.

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    1. Mais je ne le connais pas ce Beckmann...
      Ça déraille sévère dans la Marche...
      Faut que je prenne mes gouttes

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    2. Une grande partie des toiles de la collection Schloss avaient été stockées dans le Führerbau de Munich, puisque le musée de Linz en restait à l'état de projet.
      Sur les 650 oeuvres stockées (pas toutes de la collection Schloss), 600 furent pillées juste avant l'arrivée des Américains...
      Les Allemands ont toujours été de grands amateurs d'art !

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    3. Les peintres expressionnistes ou de la Nouvelle Objectivité (Neue Sachlichkeit) ont été très marqués par 14-18. Les vaincus ne s'expriment pas de la même façon que les vainqueurs...
      Surtout qu'eux avaient une véritable vocation de loosers.

      Par exemple Otto Dix. Il fait la guerre de 14 en première ligne, en 33, il est viré de son job de prof par les nazis (bolchévique de la culture, qu'ils disaient !) ses tableaux intègrent l'expo Entarte Kunst de 1937 (Art dégénéré), incorporé dans l'armée allemande sur le front occidental en 1944, il se retrouve incarcéré pendant plusieurs mois dans un camp de prisonniers à Colmar !
      De quoi te filer le bourdon...

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    4. Beckmann doit beaucoup à une Grande Dame, la strasbourgeoise Sabine Hackenschmidt qui lui a fait découvrir la gravure ancienne.

      Si ses oeuvres sont très "régionalisantes", c'est elle qui a constitué pendant 25 ans le fonds moderne du Cabinet des Estampes de Strasbourg.

      Comme les gravures (des multiples) sont moins chères que les toiles et sont plus rarement exposées au grand public, elle a bénéficié d'une grande liberté dans les achats... Hans Haug l'a laissée faire !

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