A moins d'être aussi sourd que Charles Maurras, tout le monde a déjà subi cette torture au moins une fois dans sa vie : Un apprenti violoniste qui martyrise son instrument.
En Alsace, jusqu'en 1678, on pouvait être condamné à jouer du violon pour le plus grand bonheur des badauds.
CONSEIL SOUVERAIN D'ALSACE. 
Audience du 18 juin 1678. 
 Du goût des Alsaciens pour le violon au 17ème siècle. — Abus et 
suppression de cet instrument.
La musique a de tout temps fait les délices des
Alsaciens; aussi, dans le seul but de lui témoigner 
leur reconnaissance, ont-ils donné le nom de Geig 
ou violon à un instrument qui, durant de longues 
années, fut singulièrement goûté dans toute l'étendue de la province d'Alsace. Il n'était nullement
nécessaire de mériter la corde pour avoir droit 
au violon : pour la moindre incartade, pour tapage 
nocturne, injure verbale, libertinage, on s'empressait de vous mettre au violon et si, l'instrument à 
la main, vous aviez l'air d'en jouer, vous éprouviez 
des sensations qui n'avaient rien de musical.
Ce qu'on admettra sans discussion quand on saura 
que le violon était une sorte de carcan qui, par un 
bout, prenait son homme à la gorge, et par l'autre 
lui maintenait le bras dans la position d'un artiste 
qui joue du violon. Le patient restait dans cette 
attitude pendant une heure, deux heures, trois 
heures et plus, selon la gravité de l'infraction. 
Ordinairement l'exécution était publique, et les 
amateurs de violon accouraient en foule pour juger 
de la force du violoniste.
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| Le violon métallique de la Tour des Voleurs de Riquewihr (photo de Joël Durand) | 
Le violon fut à la mode jusqu'en l'année 1678; 
on en jouait sur tous les points de l'Alsace ; mais 
si le violon avait ses partisans, il avait aussi ses détracteurs, qui organisèrent contre leur ennemi un 
concert de réclamations, en prétendant qu'on abusait de cet instrument, et qu'on l'appliquait aux
infractions les plus légères. Les anti-violonistes 
finirent par l'emporter; le Conseil souverain 
d'Alsace prononça la suppression du violon dans 
les circonstances suivantes :
Une dame Blinderine, veuve Pilot, de Riedisheim, s'étant laissée aller à quelque intempérance 
de langage contre le fils d'un Sr Haffner se disant 
bailli de la seigneurie de Brunstatt, fut poursuivie par celui-ci et condamnée à subir publiquement, pendant deux heures, la peine du violon.
Elle émit appel de cette sentence, qui, à la date
du 18 juin 1678, fut déférée au Conseil souverain.
Me Hugin, avocat de l'appelante, soutient que 
la peine appliquée par le bailli, peine infamante
au suprême degré, est hors de proportion avec 
l'infraction commise: quelques injures proférées 
contre le fils du bailli ne méritent pas un semblable châtiment qui avait déshonoré celle qui 
l'avait subi. L'avocat conclut en conséquence à ce 
que le Sr Haffner soit condamné à faire à l'appelante 
réparation honorable pour lui avoir infligé la peine 
du violon, et à lui payer 500 livres de dommages- 
intérêts.
Me Klinglin dit, pour l'intimé, que la femme 
Blinderine a scandalisé tout le village par ses blasphèmes; qu'elle est de la plus mauvaise et de la 
plus fâcheuse humeur; qu'elle médit même de 
la justice à laquelle elle a déclaré hautement qu'elle 
n'obéirait jamais; qu'elle a des injures pour tout
le monde et que personne ne peut éviter les coups 
de langue que cette méchante femme porte à droite 
et à gauche ; que d'ailleurs le violon est le châtiment ordinaire consacré en Alsace à ce genre d'infractions.
M. Favier, avocat du Roi, fait observer que le 
violon est un supplice de création tout alsacienne ; 
qu'il est complètement inconnu dans les autres 
provinces de la France et que les ordonnances,
auxquelles les tribunaux doivent se conformer 
pour la répression des méfaits, n'en parlent point 
et ne punissent les injures verbales que d'une 
somme de dommages-intérêts proportionnée à la 
qualité de l'injure, de la personne qui injurie et 
de la personne qui est injuriée. Ainsi donc, continue M. l'avocat du Roi, si l'appelante a blasphémé, 
il fallait la châtier dans les formes ; si sa langue a 
débordé et attaqué l'honneur de son prochain, il 
fallait la condamner à des dommages-intérêts ; or 
rien ne prouve qu'elle a blasphémé et il est 
inouï de dire qu'une femme blasphème : le sexe 
est assez sujet à d'autres faiblesses ; restent les injures proférées, pour la répression desquelles le 
juge ne pouvait en aucun cas, en supposant qu'elles 
fussent prouvées, prononcer la peine infamante du 
violon.
M. Favier termina en requérant une condamnation de 100 livres prononcée au profit de l'appelante contre le bailli, son interdiction de l'exercice de ses fonctions pendant trois mois, et la suppression, en Alsace, de la peine du violon.
Le Conseil souverain , statuant conformément 
à ces réquisitions, condamna le bailli en 50 livres 
de dommages-intérêts, l'interdit pendant trois 
mois, et fit défenses à tous les juges du ressort de 
se servir dorénavant de l'instrument appelé le violon, pour la punition des crimes qui mériteront 
châtiment. 
Compte-rendu publié dans la Petite gazette des tribunaux criminels et correctionnels d'Alsace (Colmar, 1860)
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| Violon en bois de la Tour des Voleurs de Riquewihr (Photo de Joël Durand) | 
Petite Bibliographie aléatoire :
La tour des voleurs à Riquewihr et ses instruments de torture.
La version amplifiée du violon, ça doit être encore pire qu'un violon ordinaire.
La Petite gazette des tribunaux criminels et correctionnels d'Alsace chez Gallica.

Une question reste à trancher .
RépondreSupprimerL'expression "finir la nuit au violon " dérive-t-elle de cet instrument?.
Évidemment. Le violon était une forme primitive de prison, d'entrave qui se doublait d'humiliation publique à rapprocher du pilori et du cep.
Supprimerhttps://fr.wikipedia.org/wiki/Cep_(instrument_de_torture)
Il y a peut-être quelques explications dans ce papier très savant de la revueRomania
RépondreSupprimerFaudra que je vérifie !
Je viens de trouver ça
SupprimerJouer du violon = scier ses fers.
=> delà on peut penser que l'évolution s'est faite vers scier ses barreaux => idée de s'évader puis par métonymie => prison....
mais ......
j'ai une autre idée
archers ( flics)
=> archet du violon
Chez les archers => au violon....
.....
Mais ....
Je vais chercher
.........
longtemps après.
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Mettre en pénitence
Autrefois on disait : mettre au psaltérion. Le psaltérion était aussi un instrument à cordes dont on jouait avec un archet ; mais ce n’est pas avec cette signification qu’il était employé dans l’expression qui nous occupe : psaltérion signifiait là psautier. « Mettre au psaltérion, c’était donc mettre au psautier, mettre en pénitence, en un lieu où l’on a le temps de méditer, et de se repentir, et de réciter une sept-saumes, sans risque de se voir interrompu...
Génin explique que « le peuple, dans son humeur gauloise, profita de l’équivoque, et, voyant le psaltérion passé de mode, y substitua le violon, qui était devenu le roi des instruments. Au lieu de dire mettre au psaltérion, il dit mettre au violon et le calembour fut sauvé. »
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finir au violon
Ne s'agit-il pas de rebaptiser le "cep" qui tenait lieu de prison temporaire pour les menus larcins avec une édulcoration humoristique au vu de la lointaine ressemblance avec un violon ?
RépondreSupprimerVoir
https://fr.wikipedia.org/wiki/Cep_(instrument_de_torture)
Un cep en forme de violon ça frappe bien l'imagination. Il y a aussi le pilori qui maintient la tête et les mains.
RépondreSupprimerLe klapperstein était sympa aussi... https://fr.wikipedia.org/wiki/Klapperstein
Supprimerhttps://fr.wiktionary.org/wiki/pilori
SupprimerI can relate to the idea of being forced into playing music.
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