Max Breckmann - Autoportrait à la cigarette - 1923 (Moma, New York)
Neue Gallery New York (jusqu'au 15 janvier 2024)
Le titre de l'exposition est (volontairement ?) ambigu. En 1915, Max Beckmann avait 31 ans, il exposait régulièrement depuis près d'une dizaine d'années, en 1907 il avait rejoint la Sécession Berlinoise et on lui doit même un naufrage du Titanic en 1912/1913. L'expérience de la grande guerre mena Max Beckmann vers d'autres rivages et une autre carrière.
Max Beckmann, Paris Society, 1925/1931/1947, oil on canvas.
Solomon R. Guggenheim Museum, New York.
« Max Beckmann : The Formative Years, 1915-1925 » se concentre sur le changement survenu dans l’œuvre de Beckmann au cours d’une décennie cruciale. Présentée à la Neue Galerie New York, cette exposition présente une centaine d'œuvres de l'artiste, comprenant des peintures majeures, des dessins et d'importants portfolios d'estampes, dont beaucoup ont été prêtés par des musées et des collections privées en Europe et aux États-Unis. Elle offre un focus sans précédent sur cette période de dix ans, où le style de l'artiste s'est éloigné de ses origines impressionnistes pour se tourner vers le style vériste de la Neue Sachlichkeit (Nouvelle Objectivité) qui a défini son œuvre ultérieure, même s'il s'est par la suite distancié de ce terme et privilégia plutôt « l’objectivité transcendantale ».
Le changement radical de son approche remonte à la participation de Max Beckmann à la Première Guerre mondiale. Après le déclenchement des hostilités, Beckmann séjourna en Prusse orientale en tant qu'infirmier volontaire. Il fut profondément marqué par son expérience du combat, même si son implication fut de courte durée. En octobre 1914, dans une lettre à son épouse Minna Beckmann-Tube, il écrivait : « …ma volonté de vivre est pour le moment plus forte que jamais, même si j'ai déjà vécu des choses terribles et que j'en suis moi-même mort à plusieurs reprises. Or, plus on meurt, plus on vit intensément. J’ai dessiné, cela protège de la mort et du danger». L'année suivante, il servit comme infirmier dans les Flandres. En juillet 1915, il fit une dépression nerveuse et il fut démobilisé en 1917.
Beckmann s'installa à Francfort pour se rétablir et son travail changea de nature. Les compositions picturales et romantiques d’avant-guerre furent remplacées par des formes plus anguleuses. Sa palette devint plus sombre. Il commença à traiter des sujets plus contemporains, parfois vus à travers un prisme biblique. En septembre 1918, il écrit un court texte intitulé « Credo créatif », dans lequel il définit sa position dans ces temps difficiles et indique son intention de « faire partie de toute la misère à venir ». Mais il a également exprimé son amour pour l’humanité, pour « sa méchanceté, sa banalité, sa monotonie, son contentement bon marché et son si-très-rare héroïsme». Les sujets d’après-guerre de Beckmann furent souvent plus violents alors qu’il était confronté à l’intolérance politique et qu'il dénonçait la pauvreté et l’injustice sociale.
Le suite est connue. Après l'arrivée au pouvoir des nazis, les peintures Max Beckmann furent considérées comme de l'Entartete Kunst (Art dégénéré) et retirées des collections publiques.
Max Beckmann - Femmes au bain - 1919 (Neue Nationalgalerie, Staatliche Museen zu Berlin.)
Max Beckmann - La descente de la croix - 1917 (
The Museum of Modern Art, New York.)
Ces deux tableaux doivent beaucoup à la rencontre de Max Beckmann avec Suzanne Hackenschmidt pendant sa convalescence. C'est cette 'assistante des musées de Strasbourg au Cabinet des estampes de 1913 à 1938' (on n'allait quand même pas donner le titre de conservateur à une femme !) qui fit découvrir les gravures de la Renaissance germanique à Max Beckmann.
Leur parcours muséal, lui, illustre à merveille le sort des oeuvres d'art dégénéré qui ne furent pas détruites.
La Descente de la croix, aujourd'hui dans les collections du MOMA, fut retirée le 26 octobre 1936 des collections du Städelsches Kunstinstitut and Städtische Galerie (Frankfurt am Main). Le Christ et la pécheresse, aujourd'hui dans les collections du Saint Louis Art Museum, fut confisqué à la Kunsthalle de Mannheim le 08 juillet 1937.
Max Beckmann - Le Christ et la pécheresse - 1917 (Saint Louis Art Museum.)
"Septembre 1914.
Aujourd’hui j’étais dans la poussière grise et blanche du front
et j’ai vu des choses merveilleuses, transfigurées et incandescentes.
Du noir brûlant, un gris violet doré sur un jaune
d’argile détruit et un ciel blême et poussiéreux, et des hommes
à moitié et complètement nus avec des armes et des
bandages. Tout en décomposition. Des ombres chancelantes.
Des membres d’un rose somptueux et couleur de cendre
se mêlant au blanc sale des pansements et à la sinistre et
pesante impression de souffrance." Max Beckmann
Max Beckmann - Paysage avec un ballon - 1917 (Museum Ludwig, Cologne)
Max Beckmann - Lithographie du porte-folio L'Enfer - 1919
Max Beckmann - Lithographie du porte-folio L'Enfer - 1919
Max Beckmann - Carnaval - 1920 (Tate Gallery, Londres)
Max Beckmann - Le rêve - 1921 (
Saint Louis Art Museum,)
Max Beckmann - Paysage près de Francfort, avec usine - 1922 (
Rose Art Museum)
Max Beckmann - Portrait d'Elsbeth Götz - 1924 (Museum Behnhaus Drägerhaus)
Max Beckmann - Portrait de Minna Beckmann-Tube - 1924
(
Pinakothek der Moderne, Bayerische Staatsgemäldesammlungen, Munich)
Encore un parcours chaotique pour ce portrait de la femme de Max Beckmann.
D'abord en mains privées, il fut acquis par le Museum Wolkwang d'Essen en 1925. Le 25/08/1937 il fut confisqué par le gouvernement nazi, puis confié en vue de sa vente à un marchand berlinois du 18/04/1939 au 10/03/1941, date à laquelle il fut échangé contre un tableau de Friedrich Loos appartenant au collectionneur munichois Günther Franke. Adolf Hitler appréciait beaucoup le style Bidermeier. Enfin, Franke fit don du portrait de Minna aux Bayerische Staatsgemäldesammlungen en 1974.
Max Beckmann - Femme endormie - 1924 (Collection privée)
Max Beckmann - Galleria Umberto - 1915 (Collection privée)
Max Beckmann - Autoportrait au bonnet blanc - 1926 (Collection privée)
Max Beckmann - La barque - 1926 (Collection privée)
Neue Gallery New York (jusqu'au 15 janvier 2024)
Et pourquoi se priver... Quelques photos de l'exposition
(Courtesy Neue Galerie New York. Photography by Annie Schlechter)
Je présume que les patins sont obligatoires, parce que ça brille !
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