Il était une fois : Un homme errait dans les ruelles
Le regard ardent, le pas furtif.
Et là où quelqu'un était misérable et abandonné,
Il lui parlait, et celui-ci le suivait.
Et ils glissaient de maison en maison,
Frappant d'un doigt hésitant ;
Et la misère regardait par les fenêtres,
Hochait la tête, et la porte s'ouvrait.
Et ils se tenaient en rangs, dans un silence pesant,
Quand les Grands allaient à la cour et aux fêtes,
Comme si chacun voulait montrer à l'autre
Comment ils vivaient et comment on les laissait vivre.
Ils serraient les poings dans leurs poches,
Se tenaient courbés sans lever les yeux,
Et une terreur infâme montait
Jusqu'aux fenêtres étincelantes des Grands.
Et les Grands disaient : "Dans le peuple, ça gronde.
Nous ne dormons plus comme jadis.
Nous balaierons avec un balai de fer :
Ce peuple silencieux devient gênant."
Et ils resserrèrent encore plus les chaînes,
Et frappèrent avec des verges sanglantes.
L'homme sombre, le pêcheur d'âmes,
Regarda en ricanant dans les cachots et les châteaux.
"Bien ainsi !" Il serra la main du prince.
Celui-ci tressaillit et rit d'un rire creux.
"Bien ainsi ! Vous n'aurez plus soif !"
Et le peuple se souvint de la Carmagnole.
Et ils surgirent des huttes et des fosses,
Vêtus d'armes misérables,
Et dans l'air lourd des orages
Un vautour géant traçait son vol étouffant...
Texte : Wilhelm Freiherr von Appel
Illustration : Karl Alexander Wilke