vendredi 7 décembre 2018

Des enfants vendeurs de journaux à la criée (vers 1910) V/V

Frank Luzzi, vendeur à la criée de journaux âge de 10 ans. Hartford, Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington
Une fois n'est pas coutume, ce billet commence par la bibliographie ! Si vous n'avez que quelques instants ou si vous arrivez là par hasard, faites un tour sur le site de Joe Manning :
Lewis Hine Project
Vous y passerez bien plus de temps qu'ici !

Les photos de Lewis Wickes Hine ne sont pas innocentes. Elles peuvent hanter les consciences, heurter des sensibilités. C'est d'ailleurs leur but. Ce sont des photos militantes qui s'appuient sur une rhétorique de l'image. Sans misérabilisme, sans recherche du sensationnel, sans mises en scènes spectaculaires, ce sont de simples portraits d'enfants, de ceux qui font le succès des sites de photos vintage. Devant et derrière l'appareil, c'est la common decency, telle que la théorisera plus tard Orwell, qui est à l'oeuvre... et c'est très violent ! (note 1).

NB : J'ai choisi de limiter cette série de billets aux Newsboys (ou newsie). Elles sont moins construites que celles prises dans les champs ou dans les usines, où le regard peut être captivé par l'ambiance ou l'esthétique de certaines lumières. A mon sens, elles n'ont sont que plus fortes !

Des enfants vendeurs de journaux à la criée (Partie I/V)
Lewis W. Hines - Vendeurs de journaux II/V 
Lewis W. Hines - Vendeurs de journaux III/V 
Lewis W. Hines - Vendeurs de journaux IV/V
Lewis W. Hines - Vendeurs de journaux V/V



Selon le recensement de 1900, le travail des enfants n'était pas exceptionnel aux U.S.A. 1 700 000 enfants (soit 1 sur 6), âgés entre 5 et 10 ans, étaient occupés à des gainful occupations.

En 1908, le National Child Labor Committee (un groupe de pression) engagea le sociologue et photographe Lewis Wickes Hine pour illustrer ses rapports et ses publications. En l'espace de quelques années, Hine prit des milliers de photos dans des usines, des ateliers, des champs, mais aussi dans la rue où des gamins vendaient des journaux à la criée.

Par nécessité, ces enfants travaillaient souvent en groupe. La rue est impitoyable quand on y est seul.

Les outils de communication mis en oeuvre sont typiquement américains. La France produit surtout des écrits (le rapport Villermé sur l'état physique et moral des ouvriers, par exemple), aux U.S.A. ce sont aussi des photos (les dizaines de milliers de photos de la Farm Security Administration dans les années 30, par exemple).

Charlie Gilstein (9 ans) et son frère Philip (12 ans). Hartford, Connecticut, le 5 mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Groupe de newsboys. Certains de ceux du second rang vendent des journaux depuis plus de 7 ans. New Haven Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Newsie de Mobile, Alabama, devant une salle de spectacle. Octobre 1914
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Ferris, 7 ans. Ne sait pas rendre la monnaie. Mobile, Alabama, octobre 1914.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Berman Katzman, 9 ans. Vendeur de journaux à la criée depuis 2 ans. Hartford, Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Harry Laudeman, 13 ans, newsboy depuis 7 ans et son jeune frère Morris, un débutant de 7 ans. Hartford, Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

3 newsgirls (vendeuses de journaux à la criée). La plus âgée, Alice Goldman a déjà 4 ans d'ancienneté, sa soeur, Besie Goldman et Besie Brownstein sont âgées de 9 ans. Hartford, Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Vendeuses et vendeurs ambulants de journaux. Hartford, Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Mery Horn, une jeune bossue qui vend des journaux à la criée. Un médecin lui a demandé d'arrêter parce que le poids des journaux nuisait à sa santé. Elle dit qu'elle ne peut pas, parce qu'elle a besoin de cet argent pour allez au spectacle.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington


Le plus jeune, Paul Zozzaro a 9 ans. Il vend des journaux à partir de 7h, avant d'aller à l'école et recommence après la fin des cours jusqu'après 18h.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Emma, 11 ans, avec son frère et un autre garçon, à 5h30 du matin. Ils vendent des journaux avant et après l'école, ainsi que les samedi et dimanche. Bridgeport, Connecticut, mars 1909.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Un newsboy vend des journaux avant d'aller à l'école. Rochester, État de New York, février 1910.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Un newsie vend des journaux à la criée avant d'aller à l'école. Rochester, État de New York, février 1910
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Groupe de newsies italiens (11-12 ans). Buffalo, État de New York, février 1910.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Donato Dandrea vend des journaux dans le tramway. Devrait être à l'école. Buffalo, État de New York, février 1910
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Albert Krieger, 10 ans. 22h, il entre dans un saloon pour y vendre des journaux. Buffalo, État de New York, février 1910.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Joseph Mandi (11 ans) et James Yarnell (13 ans) vendent des journaux après 22h. Buffalo, État de New York, février 1910.
Photo : Lewis Wickes Hine - Source : Bibliothèque du Congrès, Washington

Petite bibliographie aléatoire :
Lewis Hine Project sur le site de Joe Manning.
C'est magnifique et émouvant. Joe Manning est parti à la recherche de l'histoire et des descendants de ces enfants (Note 2).
Bien sûr, il y a des biais méthodologiques. Ceux qui ont réussi laissent plus de traces que les plus modestes ou que ceux qui sont morts jeunes. Le Lewis Hine Project relate quelques success-stories et des parcours plus ordinaires. Mais quel sentiment bizarre que de revoir ces gamins à l'âge adulte.

La Library of Congress, Washington a numérisé plus de 5000 photos de Lewis Wickes Hine, dont plus de 500 de newsboys et newsgirls.

- Anne Lesme - Lewis Hine et le National Child Labor Committee  : Vérité documentaire et rhétorique visuelle et textuelle (Transatlantica, revue d'études américaines - 2014, 2)

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Note 1 : Nabum, le pitre ligérien qui aime tant les déguisements et les postures mémorielles, ferait bien d'éviter les médiocres effets littéraires et les approximations dont il fait commerce. Ces enfants ne sont pas des gueux en haillons... et pourtant, ils expriment toute la violence sociale. De même, on est très loin du naturalisme à la Zola, si cher au coeur des pédagogos incultes.

Note 2 : Dommage que le concept de Journalisme Citoyen ait été dévoyé par des faussaires et des margoulins. Il faudra se contenter de qualifier Joe Manning d'honnête homme.

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