Coutumes de Toulouse (XVème siècle) - BNF |
Albert-de-Morlaix raconte ainsi ce fait :
L'an 1526 (vieux style), la maison et seigneurie d'Oudon en ce diocèse fut aussi dissipée, par un malheur déplorable, car Jean et Julien de Malestroit, enfants de Guillaume et de Françoise de la Noë , dame de la Noë en Goulaines, forlignèrent de la vertu de leurs ancêtres, tyrannisant tellement leurs sujets, qu'ils en furent tirés en justice : mais enfin maistre Louis Drouet, natif d'Oudon, avocat au privé conseil les accorda : depuis ils reprirent leurs brisées, et voulurent contraindre leurs sujets de prendre la fausse monnaie qu'ils fabriquaient en leur tour d'Oudon; et comme un crime attire l'autre, s'étant trouvés au cimetière des Jacobins de Nantes (c'est où est de présent la douve du château derrière leur couvent), avec le seigneur de la Muce-Pont-Hus, sur quelques paroles picquantes ils mirent la main à l'épée et le tuèrent, puis se sauvèrent dans leur château d'Oudon : ayant été accusés des susdits crimes, le roy François fit commandement au duc d'Estampes (1) d'aller mettre le siège devant la tour et château d'Oudon, ce qui fut exécuté, et y furent pris et rendus aux prisons du Bouffay à Nantes, et depuis condamnés à mort par Monsieur Guillaume l'Huillier, commissaire du roy, pour faire procès aux faux monnayeurs qui se trouveraient en Bretagne et leurs biens confisqués au roy, qui vendit la terre d'Oudon à Messire Raoul de Juch, seigneur de Molac et de Pratauroux, pour la somme de 8000 écus.
Ange Guépin - Histoire de Nantes - 1839
(1) Le duc d'Étampes confia peut-être à Guy XVI de Laval l'exécution de cet ordre royal (voir Ogée - Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne - 1778).
Voilà pour la légende, avec quelques menues variantes (parfois c'est un ermite qui fabrique la fausse monnaie dans une grotte et qui est dénoncé par un meunier), une légende colportée par les dépliants pour offices de tourisme, les guides mystérieux pour incultes mitoyens et les zauteurs qui, par paresse ou bêtise, recopient tout ce qui leur tombe sous la main, du moment que cela les conforte dans leurs certitudes ou que cela leur permet de pisser sans peine leur billet quotidien.
Pas très pieuse au demeurant cette légende, mais une bonne vieille légende qui a passé les siècles et a réussi à sédimenter les faits. Une légende, avec son côté western. Les bons d'un côté, les méchants de l'autre, la justice qui fait son oeuvre et beaucoup de morales simplistes à en tirer. Autre avantage, elle n'est pas trop embrouillée. Mais, ne serait-elle pas trop simpliste pour être honnête ?
La lecture d'un mémoire d'A. Bourdeaut, Les Malestroit d'Oudon et les du Bellay de Liré - Oudon et le livre des Regrets, publié en 1911 par la Société Nationale d'Agriculture, Sciences et Arts d'Angers, jette à bas ce brillant édifice. A. Bourdeaut a consulté les archives (un crime de lèse-légende dans certains milieux incultes) et l'on en apprend de belles !
Tout se complique parce qu'il y avait un troisième larron (Jean de La Lande) dans cette affaire de fausse-monnaie, que les accusés ne se présentèrent pas au procès (ils ne furent condamnés que par contumace), que Julien de Malestroit vivait encore en 1529 puisqu'il obtint des lettres de rémission pour cette affaire (une forme de grâce), que Raoul de Juch était de la famille éloignée des Malestroit et des de La Lande... et qu'en définitive, lors de la vente de la propriété d'Oudon, de Juch ne devait servir que de prête-nom pour permettre à Julien de Malestroit (le faux monnayeur-faux déjà exécuté), et aux enfants de Jean de La Lande de récupérer leur bien.
Comme souvent un pareil cas, les uns et les autres oublient bien vite leurs engagements et il s'ensuit une guérilla locale, avec embuscades, occupation de château, procès, coup tordus, maisons incendiées, interventions des copains hauts placés et coups d'arquebuse.
On apprend aussi que la rixe avec le seigneur de La Muce-Pont-Hus date de 1537 (10 ans après la prétendue exécution), que poursuivi pour cet homicide, Julien Malestroit obtient des lettres de rémission en mars 1538... et qu'à cette époque entre en jeu la famille Du Bellay qui veut prendre possession d'Oudon. Mais c'est une autre histoire. La nôtre est déjà bien assez compliquée !
Faux monnayeur un jour, faux monnayeur toujours ? Le 19 juin 1540 (13 ans après sa prétendue exécution), Julien de Malestroit est arrêté à Paris avec un vieux complice pour... fabrication de fausse monnaie. C'est à cette époque qu'il est détenu au Bouffay de Nantes. Malade, il semble avoir été relâché assez vite.
Mais, comme le dirait un célèbre philosophe mitoyen "la routourne va tourner". Une fois de plus, la propriété d'Oudon change de mains à la suite d'un nouveau procès. S'en suivent, une fois de plus, quelques escarmouches. Un des assaillants est tué. Julien de Malestroit en est rendu responsable. Arrêté, Julien de Malestroit est transféré à Paris, mais il s'enfuit... comme d'habitude.
Le 13 septembre 1547 (20 ans après sa prétendue exécution), Julien de Malestroit est condamné à mort par contumace... comme d'habitude. En août 1548, il obtient des lettres de rémission... comme d'habitude.
Malgré ces lettres de rémission, repris par la maréchaussée, Julien de Malestroit est conduit à Paris où il trépasse (pour faire vintage comme le Cabot) pour de vrai... en 1550.
23 ans après son exécution en 1527 ? Les martyrs de M. Orléans ont l'agonie est bien longue !
Petite bibliographie aléatoire :
- A lire absolument : A. Bourdeaut - Les Malestroit d'Oudon et les Du Bellay de Liré (1911)
- A propos du château d'Oudon et des frasques de la famille Malestroit, cet article de Roger Grand dans le Bulletin Monumental - vol. 113-2 - 1955.
- Un autre Malestroit voit son nom mêlé à des histoires de monnaie vers 1566. Il ne semble pas avoir de lien de parenté avec ceux d'Oudon et il s'intéressait plutôt à la vraie monnaie.
- Un article sur le supplice des faux-monnayeurs par Jourdan sur le site Histoires de Bourreaux.
- Un excellent pdf sur les grottes de faux-monnayeurs (Lucien Gratté dans Survivances de l'art pariétal)
Je dois cette référence au Cabot de la Loire. Qu'il en soit chaleureusement remercié.
- Toujours à propos de la fausse monnaie. Un papier d'Olivier Ménard - De la répression de la fausse monnaie en Bretagne au XVIIIème siècle, dans Revue Numismatique. Avec un historique de la législation antérieure et de la répression de ce crime. Je dois cette référence à celui qui se reconnaîtra.
PS 1 : Ce billet doit tout à l'oeuvre impérissable du Cabot de la Loire, parue sous le titre Les faux-monnayeurs d'Oudon et sous-titrée "quand l'Histoire se fait légende".
Il ne croyait pas si bien écrire. Il n'a vraiment pas de chance.
Même quand il s'inspire vaguement d'une source locale, c'est une forgerie qui sert de béquilles historiques à son galimatias. Il suffit de lire le texte d'Albert-de-Morlaix 1599-1641 (Albert le Grand pour ses intimes de Bretagne) et le billet du Cabot de la Loire.
Bébert the Great écrit en français, lui !
PS 2 : La rédaction de ce billet m'a pris plus de 5 heures, surtout le temps consacré à réunir une documentation sommaire, la parcourir, évaluer les sources et les confronter. Si je n'ai aucune prétention en tant qu'auteur et encore moins en tant qu'historien, c'est pourtant un exercice que je maîtrise assez bien et je savais où j'avais une chance de trouver rapidement quelque chose (archive.org, gallica, google scholar, etc)
J'aurais honte de proposer ce billet à la publication où que ce soit, tant il est imparfait dans sa forme et lacunaire dans son contenu.
Au terme de cet exercice, je comprends mieux la médiocrité quotidienne de certaines contributions qui se veulent citoyennes.
J'ai passé, pour ma part, 3 heures à chercher l'origine du nombre 1386....
RépondreSupprimerPrésenté par Cabot de la Loire , il s'agirait d'une année qui se situerait après le règne de Francçois 1er.
Alors j'ai trouvé ce qui pourraient être des pistes
.
Un N° de page manuel de droit du 19 è.
Un N° de page
https://books.google.fr/books?id=fIdgAAAAcAAJ&pg=PA1386&lpg=PA1386&dq=1386+fausse+monnaie&source=bl&ots=wbPyLcQLRV&sig=hj6m1-LF6BDXUx0hxs0jcudAlB0&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjTocyhpMXVAhVEuBoKHaM4Aak4ChDoAQgsMAA#v=onepage&q=1386%20fausse%20monnaie&f=false
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Un N° de note dans
Page 379 de
Théorie du Code pénal, Volume 2
Par Faustin-Adolphe Hélie
https://books.google.fr/books?id=YplRAAAAcAAJ&pg=PA372&lpg=PA372&dq=1386+fausse+monnaie&source=bl&ots=flPS53q-pS&sig=u9vfHckBlAkrw35HxaDVctzLh2w&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwilns28ncXVAhWIPxoKHZQZAkoQ6AEIUzAH#v=onepage&q=1386%20fausse%20monnaie&f=false
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C'est une théorie intéressante, mais...
SupprimerLe XIXème siècle, c'est trop longtemps AVANT François 1er dans la chronologie mitoyenne !
Il faut lui faire avouer qu'il n'a aucun titre universitaire....Ce qui était souvent le cas des profs de SEGPA....
RépondreSupprimerL'absence et la prétention à des diplômes ou des titres est une constante moricienne des recrues de REVELLI
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Se prétendre artiste en est une autre.
En la matière, que quelqu'un n'ait aucun titre universitaire importe peu et je ne me souviens pas en avoir revendiqué un quelconque pour moi-même... La constante du faussaire mitoyen, c'est de prendre le melon.
SupprimerPublié grâce à des complicités (ou par la seule grâce du Grand Pimp), ces représentants en littérature avariée s'imaginent qu'ils doivent leur place en tête de gondole à leur seul talent.
L'une des constantes du folliculaire mitoyen, c'est sa prétention à balayer tous les domaines. Ils sont philosophes, penseurs, chroniqueurs, poètes, paroliers, chanteurs, musiciens, mélomanes, peintres, physiciens, géopoliticiens, humanistes, journalistes, etc. Bref, ils sont spécialistes en tout, sans avoir jamais rien étudié.
yep , messieurs je vous trouve un rien chafouin avec la nautonier en pantoufles.
SupprimerEn d'autre temps nous connûmes un professeur non authentique attribuant des massacres nazis a l'armée rouge et faisant courir le mur hadrien jusqu'en Irlande , alors demander a un caboteur pardon un cabotineur fluvial de vérifier ses sources , foutre que d'exigences .Asinus
Bonjour Yep !
SupprimerLe problème n'est pas tant de commettre des erreurs.
Mais, le Torquemada du Loiret ne cite jamais ses sources. C'est un tricheur qu'il faut croire sur parole !