mardi 31 décembre 2013

Salton Sea, la station balnéaire la plus pourrie de la planète


Tout le monde a à l'esprit des lieux de vacances particulièrement sordides. Une plage bretonne sous la pluie et envahie par des algues, un éco-camping alternatif dans les gorges de l'Ardèche ou  une étable transformée en gîte rural par un membre de la  FNSEA du côté de Vesoul. Mais, il y a bien pire !

Tout débuta à la fin du XIXème siècle quand une importante crue du Colorado créa un nouveau lac dans le sud de la Californie. On en profita pour irriguer le désert alentour. Malheureusement, en 1905, le Colorado entra une nouvelle fois en crue et, profitant des canaux d'irrigation, il inonda toute la plaine en contrebas sur près de 1000 km2 (24 km x 56 km en moyenne).

En soi, ce n'était pas très gênant, si ce n'est que la plaine était située sous le niveau de la mer (- 71m à la surface du lac). Heureusement, il n'y avait ni route importante, ni voie de chemin de fer stratégique dans le secteur. Et pas grand monde pour habiter dans ce coin perdu; tout au plus quelques Indiens que l'on déplaça et quelques fermiers qui furent indemnisés.
Qu'allait-on faire de toute cette eau ? On proposa bien de la remettre dans le lit du fleuve Colorado, mais il aurait fallu pomper des millions de m3 et peut-être devoir réinstaller les Indiens dans leurs campements d'origine.

Dans un premier temps, on décida de ne rien faire. Il n'y avait plus d'urgence. Quelques années plus tard l'U.S. Navy installa une base d'hydravions et un centre de tests un peu secrets. Ce n'est qu'après-guerre la seconde guerre mondiale que l'on trouva la bonne solution :
Développer une station balnéaire !

Plus besoin de dépenser des fortunes en argent fédéral pour déplacer de l'eau saumâtre, des Indiens sédentarisés ou des vecteurs suspects. C'est au secteur privé qu'il revint d'investir dans une activité rentable et socialement utile. Et c'est ainsi que la zone touristique de Salton Sea sortit des sables. Une de ses plages fut baptisée Bombay Beach pour ajouter une touche d'exotisme à un projet qui n'en manquait pas. La population commença à croître pour atteindre plusieurs milliers d'habitants permanents aux abords du lac.

Pendant de nombreuses années, jusque dans les années 80, Salton Sea fut une destination très prisée des Californiens. Il n'y eut guère que les surfeurs et les babas crasseux pour ne pas y trouver leur bonheur. Les classes moyennes profitèrent d'un lac dans un environnement bien plus agréable que les plages mal fréquentées des bords du Pacifique. Du soleil garanti et une eau à plus de 25° pendant la majeure partie de l'année, voilà un confort qui ne se refuse pas.

Malheureusement, dans les déserts, l'eau a une fâcheuse tendance à s'évaporer et le niveau du lac commença à sérieusement baisser. A la fin des années 70, on fut confronté au même problème qu'en 1905, mais en sens inverse. Fallait-il amener des millions de m3 d'eau dans le désert pour remplir un lac qui se vidait ?

Le pragmatisme américain n'est plus à démontrer et l'on choisit la solution la plus rationnelle. Une fois de plus, on décida de ne rien faire. Ou plutôt de laisser le marché libre et la nature bienfaisante réguler la situation.

Aujourd'hui, il ne reste que quelques ruines à Bombay Beach. Les derniers habitants de Salton Sea sont des marginaux qui finiront par quitter les lieux, maintenant que l'épicerie, les services sociaux et le dispensaire les plus proches sont à plus de cinquante km.

D'ici peu, le désert retournera à l'état de nature et Bombay Beach ne sera plus qu'un vieux souvenir d'une époque heureuse.

Les photos sont de Gregoire Vandenbussche sous licence CC - creative common (excepté la carte postale ci-dessous)

















La photographie en tête de l'article est de Scott Campbell.
Les autres photos sont de Gregoire Vandenbussche sous licence CC - creative common

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