James Tissot - La Plus Jolie Femme de Paris Huile sur toile, 146,3 x 101,6 cm Legs Pamela Sherek, 1998 © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : B. Jacot-Descombes |
POUR LA GALERIE, MODE ET PORTRAIT. Histoire de l'apparence.
Musée d'Art et d'Histoire de Genève
Le sujet peut sembler, soit très frivole, soit très savant, mais c'est surtout une thématique fascinante au croisement de l'esthétique, de la sociologie et de la sémiologie. Bref, c'est l'éternelle histoire des stratégies de séduction, du regard (amoureux, officiel, concupiscent), des vices et de la vertu (des vertus et du vice ?), du marketing et toussa. Mais autant laisser la parole à Lada Umstätter et à son équipe, elles sont bien plus légitimes dans cet exercice :
Thomas de Keyser Portrait de femme, vers 1630-1635 Huile sur toile, 69 x 54 cm Legs Gustave Revilliod, 1890, inv. CR 0112 © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo : B. Jacot-Descombes |
Longtemps réservé à l’élite, aujourd’hui à portée de smartphone, le portrait est le lieu par excellence de la projection et de la fabrication de l’image de soi. Le vêtement, des somptueux drapés des portraits d’apparat à la variété du vestiaire contemporain, en constitue un élément clé : un moyen de distinction, entre conformisme et quête d’originalité. Et au-delà de tout ce qui caractérise une époque donnée, des codes traversent les modes comme autant de signes d’un statut affirmé ou rêvé. En confrontant les collections de peintures et d’objets du MAH à celles d’histoire de la mode de la Fondation Alexandre Vassiliev, allant du XVe siècle à la période contemporaine, l’exposition invite à s’élancer dans un tourbillon de matières et de couleurs, un grand défilé déployé dans les salles palatines du musée, transformées en galerie des miroirs. Instruments de pouvoir, de séduction ou d’évasion, modes et portraits nous entraînent dans une foire aux vanités où trouve à s’exprimer, de manière éblouissante ou dérisoire, toute la gamme des aspirations et des émotions humaines.
Le pouvoir et ses codes
Dans nombre de civilisations, le vêtement s’affiche comme un marqueur de distinction sociale. En Europe, les étoffes, les couleurs, les coupes ou les parements sont autant de signes conventionnels, dont certains à l’usage exclusif du pouvoir. Dès la fin du XIIIe siècle, des lois somptuaires incluant l’habillement sont édictées par les élites et déterminent ce que doit porter l’une ou l’autre classe sociale.
Pour affirmer leur pouvoir, rois et princes se réservent certains codes vestimentaires, qui évoluent au gré des innovations techniques ou commerciales. Ainsi, au XVe siècle, le noir, obtenu alors grâce à d’onéreux pigments importés, devient la couleur princière, notamment privilégiée par Charles VI, puis celle des milieux dirigeants jusqu’au XVIIe siècle. Quant à la fourrure, seules les espèces les plus estimées sont destinées à la noblesse, tel le léopard apprécié dès le XVIIIe siècle. Instrument et expression du pouvoir, ces codes vestimentaires ont inspiré la haute couture du XXe siècle, qui crée par exemple le motif léopard.
En coulisses
Les métiers et savoir-faire de l’industrie du textile s’effacent bien souvent derrière les flashs des défilés et les derniers soldes. Quand on compare haute couture et prêt-à- porter, on oppose communément qualité et quantité, négligeant la notion de temps.
Avant les usines et les machines à coudre du XIXe siècle, les vêtements étaient entièrement réalisés à la main. Cette pratique fait encore la spécificité des grandes maisons de couture face à la production industrielle illustrée par Jeans Factory d’Ali Kazma. Hors du temps, les couturières, aussi appelées « petites mains » exécutent point par point une danse de rigueur et de patience. La dimension temporelle est également au centre du rituel de l’habillage. À l’image de Madame d’Épinay, la femme du XVIIIe siècle se voit affublée d’un corset lacé, d’un panier et de nombreux autres sous-vêtements. Cet assemblage méticuleux quotidien, aujourd’hui rapide et solitaire, sollicitait une aide extérieure. Une réalité qui nous emmène bien loin de l’industrie du prêt-à-porter.
Au bal de séduction
Dans un jeu mêlant retenue et provocation, les apparences mènent la danse dans une société devenue spectacle. Les stratégies de séduction déclinent à foison vêtements, matières, couleurs, motifs, accessoires, gestes et regards selon les codifications sociales et esthétiques de la culture, de la mode ou de l’époque.
La foire aux vanités
Miroir, mon beau miroir... À l’ère des selfies, de Tik-Tok et des visio-conférences, la mise en scène de soi est, plus que jamais, au centre de nos interactions sociales.
Cette pratique de construction identitaire se voit encouragée par des outils tels que des filtres ou des logiciels de retouches photo qui brouillent, à volonté, les frontières du réel. Les réseaux sociaux fonctionnent alors comme des lieux de vie, mais également comme des terrains de jeux. L’utilisateur, à la fois acteur et spectateur, partage, transforme et s’approprie les contenus. Ce processus d’appropriation, plus ou moins conscient, assure un retour et un renouvellement constant des formes et des esthétiques. Comme l’illustrent la maison Courrèges qui s’inspire des œuvres de Mondrian ou encore la maison Elio Berhanyer qui reprend l’art optique de Vasarely, ce phénomène existe depuis toujours indépendamment du numérique.
Robe 'Souper Dress' inspirée de Warhol - Campagne Campbell's vers 1968 |
Pour la Galerie, Mode et portrait. Histoire de l'apparence.
Musée d'Art et d'Histoire de Genève
Merci au service communication du Musée d'Art et d'Histoire de Genève pour la richesse de leur dossier de presse.
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EXCURSUS
On parcourt un dossier de presse d'un oeil distrait, on visite une exposition et parfois on se perd dans des chemins de traverse qui nous mènent dans des contrées inquiétantes.
1) Honte à moi. Depuis quelques jours, je suis harcelé par les fraises (séquence auto-promotion, parce qu'on est jamais mieux servi que par soi-même , voir : Une Queen Vierge et sévèrement burnée, ainsi qu'Apologie de la fraise d'Espagne ). J'en étais presque arrivé à m'imaginer une nouvelle forme de fétichisme. Les interprétations symboliques ou psychanalysantes de cet accessoire de mode commençaient à me hanter lorsque je suis tombé sur cette réflexion pleine de bon sens de Melanie V Taylor, une historienne de l'art, " Parfois une fraise n'est rien d'autre qu'une fraise" (sometimes a ruff is just a ruff) . La même historienne écrit "Quiconque a déjà essayé de faire de la dentelle aux fuseaux reconnaîtra cette fraise comme un tour de force " (Anyone who has ever attempted to make bobbin lace will recognise this ruff as a tour de force of lacemaking) .
Les ouvrages de dames resteront toujours un grand mystère pour moi (tout comme le bricolage) !
2)
Honte à moi, l'exposition Pour la Galerie présente une robe de bal
couleur mauvéine (pas celle-là, mais je la trouve bien plus jolie). Rien que
de très banal, sauf que c'était la couleur favorite de la reine Victoria
et que la mauvéine (teinture d'acétate) est le premier colorant industriel synthétique. Elle a été découverte par hasard par un chimiste qui faisait des recherches sur les applications médicales de la quinine. Avec un peu de chance, il aurait trouvé un remède contre la malaria, mais la reine Victoria n'aurait rien eu à se mettre.
3) Honte à moi, Dans la présentation de l'exposition, une phrase d'apparence anodine (mais peut-il y avoir quelque chose d'anodin sous la plume savante d'une Conservatrice en Chef) m'a plongé dans un nouvel abîme de fantasmes : La femme du XVIIIème siècle se voit affublée d'un corset, d'un panier et de nombreux autres sous-vêtements. Cet assemblage méticuleux quotidien, aujourd'hui rapide et solitaire, sollicitait une aide extérieure.
C'est très masculin, mais je n'avais jamais envisagé que l'option 'aide au déshabillage'. D'ailleurs, il n'y a pas que les femmes qui avaient besoin d'aide, les dandies aussi...
Laceing a dandy - 1819 Source : MET Museum |
4) Honte à moi, J'ignorais l'existence de la robe 'Souper Dress' des soupes Campbell's, un exemple de marketing circulaire : Campbell's crée une identité visuelle pour sa marque, Warhol la récupère pour ses sérigraphies, Cambell's récupère le concept de Warhol pour une opération publicitaire. Composée à 80% de cellulose (du papier en français courant), la robe à usage unique coûtait 1$ plus deux preuve d'achat d'une soupe Campbell's, frais de port compris. A ne pas porter par temps pluvieux !
5) Honte à moi. Suis-je le seul a être troublé par le format de La plus jolie femme de Paris (voir tout en haut) et par celui de l'Armada Portrait d'Elizabeth Ire (voir ci-dessus). Pour le premier, on s'attendrait plutôt à un mode paysage, pour le second à un mode portrait.
NB : Il semblerait qu'un vandale anglais était lui aussi troublé par le format de l'Armada Portrait. Une des trois versions du portrait a été sauvagement recadrée a posteriori !
Nous proposer une robe Nixon à la place d'une robe soupe Campbell est la preuve de votre infinie déloyauté .
RépondreSupprimerMonsieur Lavigue vous manquez de tenue .
...
Dans mon pays Gabaye,le soir, on trempait la soupe . Il faudrait une étude sur les repas du soir et leurs liturgies .